Salle 1B : les Vues de Mulhouse du 19e au 21e siècle

Au début du 19e siècle, la silhouette de Mulhouse connaît une transformation majeure : ses remparts disparaissent progressivement et l’espace au-delà des fossés s’urbanise lentement. C’est ainsi que sur la gravure de Matthieu Mieg de 1810, au-delà d’un Rebberg très viticole, apparaissent des constructions devant l’ancienne porte du Miroir ainsi que le nouveau cimetière circulaire entouré d’arbres ouvert en 1803 à l’emplacement de l’actuel lycée Montaigne. En 1812, on aurait même pu voir la cheminée de la première machine à vapeur !
Bernard Jacqué, Société d’Histoire et de Géographie de Mulhouse

Adolphe Braun (1812-1877); « Panorama de Mulhouse ». Dornach, entre 1857 et 1859. Montage de 3 photographies à l'albumine, publiées par Adolphe Braun dans son recueil L’Alsace photographiée, 1859. Fac-similé, aux dimensions de l’original, d’après l’exemplaire conservé à la Bibliothèque des Dominicains de Colmar
L’Alsace photographiée, qui comprend 120 grandes photographies, est un ouvrage monumental et novateur qui valut au Mulhousien Adolphe Braun une admiration générale. Le point de vue des 3 tirages qui forment l’impressionnant panorama de Mulhouse serait le même que celui de la vue de Maugendre de 1857, à savoir le jardin d’agrément du négociant C. Mansbendel.
Détail particulièrement intéressant, on peut voir l’église Saint-Etienne en construction : le chevet seul est achevé, qui attend son clocher. On sait que le 15 août 1856, lors de la fête de l’empereur, fut posée la première pierre de l’église, dont la flèche fut coiffée de sa croix de 15 mètres en mai 1860. Le temple Saint-Etienne, lui, est encore visible dans son ancienne configuration (la première pierre du nouveau temple fut posée le 15 août 1859).
Il existe un autre « panoramique » de Mulhouse édité postérieurement par la maison Braun, mais en 2 parties (et non 3), et d’un point de vue différent, en surplomb du Réservoir.

Rudolf Huber (1770-1844), « Vue de Mulhouse ». Mulhouse, 1842. Lithographie publiée par G. Engelmann père et fils, colorée à la main. Bibliothèque municipale de Mulhouse. Achat 2019
Lithographie très proche de la « Vue de 1836 », des mêmes Rudolf Huber et Godefroy Engelmann (fils uniquement, le père étant mort en 1839, même si la raison sociale demeure). La nouveauté tient dans la présentation de cette estampe, relativement novatrice avec la vue cavalière au centre, encadrée de vignettes figurant les principaux édifices et monuments de la ville. Elle tient aussi et surtout à la représentation de l’arrivée du chemin de fer à Mulhouse : la nouvelle gare inaugurée en 1841 est bien visible, et plusieurs trains et locomotives fumantes sont sur les rails, l’un vers Thann, l’autre venant de Bâle (sur la droite). Il est intéressant de comparer, entre la vue de 1836 et celle de 1842, soit un laps de temps relativement court, la transformation urbaine induite par l’arrivée du rail de part et d’autre du Canal, entre le Nouveau Quartier et le pied des collines en direction desquelles la ville se développe. A remarquer d’ailleurs les quelques bâtisses supplémentaires visibles sur les pentes du Rebberg. Si les petites scènes animées du premier plan sont un moins bucoliques que dans la vue de 1836 (la vue de 1842 est plus « bourgeoise »), les cheminées d’usines sont aussi très estompées par rapport à la première, comme s’il s’agissait de mettre en avant d’autres aspects de la vie sociale (enseignement, soins et assistance, cercle social, diversité des cultes, etc.)
Le point de vue du dessinateur se situe très vraisemblablement vers le haut de la Brübach Gaße d’alors, plus précisément le segment compris entre les intersections avec les actuelles rues de l’Argonne et du Frêne. La Brübach Gaße, sur laquelle on observe que des attelages de chevaux ou de bœufs pouvaient largement se croiser, était encore classée chemin communal de 2e ordre. Elle a été élargie et bordée de murets empierrés depuis la vue de 1836. (voir le trésor rédigé sur ce document en 2020)
1826-1836 : Nouveau Quartier et cheminées, la radicale mutation du paysage urbain
Deux événements majeurs marquent les années 1810 : les portes puis les murailles commencent à tomber sous le coup des démolisseurs ; les manufactures adoptent la machine à vapeur.
Jusque-là, à quelques exceptions près, les manufactures s’étaient installées dans « la clandestinité paysagère » du bâti disponible de la vieille ville. À l’aube du XIXe siècle, les industriels se ruent hors-les-murs et enserrent la vieille ville dans une ceinture usinière à trois gros nœuds : l’entreprise textile intégrée DMC qui, installée en 1800 à Dornach, se développe en s’étirant vers Mulhouse le long du Steinbächlein ; le pôle textile et métallurgique de la porte du Miroir (AKC, future SACM, a été fondée en 1836 par André Koechlin) ; enfin, le pôle textile de la porte Jeune (la Dentsche).
En 1812, la filature géante de DMC (récemment disparue) inaugure le siècle de la vapeur à Mulhouse. Les cheminées surgissent dans le paysage et leur fumée proclame la vitalité économique de la Cité.

Nicolas Chapuy, (1790-1858), Victor Adam (1801-1867), « Le Roi, examinant le Canal Monsieur du haut de la terrasse de l’édifice principal du quartier Charles X ». Mulhouse, 1828-1829. Lithographie imprimée par Godefroy Engelmann, publiée dans la Relation du voyage de Sa Majesté Charles X en Alsace (Strasbourg : Levrault, 1829) de Fargès-Méricourt. Archives municipales de Mulhouse
Le Nouveau Quartier et le bâtiment de la Bourse, dans lequel était présentée alors une « Exposition des produits de l’industrie », ne sont pas terminés le 11 septembre 1828 lorsque Charles X visite Mulhouse, scellant par là la réconciliation entre la ville libérale et la monarchie des Bourbons. On voit ici la délégation royale accompagnée par les autorités de la ville, sur la terrasse qui coiffait alors le bâtiment central de la Bourse, observant le canal du Rhône au Rhin (celui-ci sera ouvert l’année suivante) et son Bassin, l’un des symboles de la modernité et de l’essor économique de Mulhouse. Aucune construction encore autour du bassin que baigne le canal. Sur la droite, en direction de Brunstatt, un moulin à vent domine la vallée de l’Ill, sur un promontoire correspondant sans doute au lieu-dit « Hasenrain » dont André Koechlin fera l’acquisition.
Le canal du Rhône au Rhin, creusé dans les années 1810, est mis en service au début des années 1830 pour amener les matières premières pondéreuses jusqu’au bassin de déchargement (square Charles de Gaulle). Moins de dix ans plus tard, la troisième ligne ferroviaire de France transporte les produits chimiques depuis Vieux-Thann (entreprise Kestner fondée en 1808). En 1841, une gare est érigée à proximité du bassin du canal. Ces infrastructures de transport structurent pour partie un premier étalement de la tâche urbaine.
La sortie hors-les-murs et l’énergie de la vapeur nécessitent de construire des bâtiments usiniers ad hoc. Ce sont ces usines-blocs, ces longs bâtiments à 4 ou 5 étages, flanqués de leur « bloc vapeur », que découvre le promeneur depuis le Rebberg.
Les transformations du paysage urbain ne se limitent pas au bâti industriel. La densification et la taudification de la vieille ville provoquées par le développement des manufactures ainsi que l’enrichissement rapide des familles industrielles amènent celles-ci à, elles-aussi, s’établir hors-les-murs : c’est la fin du « vivre ensemble » à l’abri des remparts et le début du « vivre entre soi », caractéristique de notre société industrielle. La construction en 1827 d’hôtels particuliers sur arcades, selon le modèle de la rue de Rivoli à Paris (1805), en un plan triangulaire proclamant l’appartenance de la plupart des industriels à la franc-maçonnerie, ainsi que l’installation de la toute nouvelle Société industrielle fabrique, à proximité de la gare et du bassin, un Nouveau Quartier qui est aussi le cœur économique de la ville.
Dans la seconde moitié du siècle, s’érige la Cité ouvrière, de l’autre côté de la vieille ville : elle est invisible depuis le promontoire du Rebberg, tout comme les faubourgs, les axes majeurs de circulation, etc.
Marie-Claire Vitoux,
Société d’Histoire et de Géographie de Mulhouse
Voir aussi https://bibliotheques.mulhouse.fr/recherche/viewnotice/id_sigb/296812/id_site/*
Mieg, du levant au couchant

Jean Mieg (1791-1862), « Vue de Mulhausen (du côté du levant) ». Mulhouse, entre 1822 et 1825. Lithographie de Godefroy Engelmann, de la suite des Manufactures du Haut-Rhin (planche IV). Bibliothèque municipale de Mulhouse
Jean Mieg reprend le titre de la gravure de Luttringshausen (1810) mais avec un point de vue correspondant davantage à la gravure « Vue De La Ville De Mulhouse Du Côté du Couchant » de 1770 publiée par D. Herrliberger. L’ensemble de bâtiments constitué autour d’une villa (construite à l’époque du Directoire ou du Consulat) que l’on aperçoit à gauche sur la colline, au lieu-dit « la Wanne », à la limite du ban communal marqué par la borne à la roue de Mulhouse, en direction de Riedisheim, correspond au domaine dont les propriétaires successifs furent Jean-Michel Hofer, fabricant d’indiennes, son gendre Jean Thierry (idem) puis Daniel Koechlin-Schouch, éminent chimiste de la maison Koechlin frères.
A l’exception de trois cheminées fumantes et de quelques bâtiments usiniers reconnaissables, la nouvelle vocation industrielle de Mulhouse est moins marquée sur cette vue, plus bucolique (on retrouve au premier plan la scène de chasse de la peinture de 1810). A remarquer toutefois la représentation du canal du Rhône au Rhin (creusé à partir de 1804), avec un bateau tiré par des chevaux sur le chemin de halage, symbole du développement commercial et industriel que connaît alors Mulhouse. Bien avant le chemin de fer, le canal constitue le premier maillon du désenclavement de la ville, le long duquel celle-ci s’étend progressivement.

Jean Mieg (1791-1862), « Vue de Mulhausen, du côté du couchant ». Mulhouse, entre 1822 et 1825. Lithographie de Godefroy Engelmann, de la suite des Manufactures du Haut-Rhin (planche III). Ici, une épreuve colorée à la main avec figuration et indications, dans la marge inférieure, des principales manufactures. Bibliothèque municipale de Mulhouse
Si jusque-là les estampes représentant Mulhouse étaient dues à des artistes suisses, celle-ci est « purement mulhousienne », par son dessinateur et son imprimeur, mais encore par la thématique inédite qui est celle des Manufactures du Haut-Rhin publiée par Engelmann. Jean Mieg, fils de Mathieu Mieg, innove ici avec une vue de Mulhouse depuis les hauteurs de Dornach (« du couchant », au sens de « depuis le couchant », donc tournée vers l’est, le « levant »), sur le ban de laquelle sont implantés les établissements Dollfus, Mieg & Cie et Blech, Fries & Cie (représentés sur la gauche). A l’arrière-plan, le Rebberg et la Forêt-Noire.
Cette estampe, où la silhouette massive des usine-bloc eclipse largement la ville médiévale et ce qui demeure des fortifications, est sans doute la première à figurer Mulhouse avec des cheminées fumantes (leur nombre ne fera qu’augmenter sur les lithographies des décennies suivantes). Un nouveau visage de Mulhouse se dessine, où les « fabriques » semblent dresser une nouvelle ceinture autour de la ville, laquelle s’étend progressivement au-delà de son périmètre séculaire pour les besoins de son industrie. En plusieurs endroits, des prés d’étendage pour les tissus, des faisceaux de lattes pour le séchage, des ouvriers qui s’activent…
Mulhouse et ses manufactures

M. F. Boehm (17..-18..), « Mulhouse et ses manufactures ». Strasbourg, 1826-1828. Lithographie publiée dans Jean-Frédéric Aufschlager, L'Alsace, nouvelle description historique et topographique des deux départemens du Rhin (vol. II), Strasbourg : J.H. Heitz, 1826-1828, planche 7. Archives municipales de Mulhouse.
Dans cet ouvrage présentant les communes des deux départements alsaciens par arrondissements (Mulhouse fait lors partie de celui d’Altkirch), Mulhouse fait l’objet d’une description qui insiste sur son « industrie » : fabrication de draps, blanchisserie, teinturerie… (Même la lithographie est mentionnée, avec l’établissement de Godefroy Engelmann). Pas moins de 23 « maisons » (manufactures) sont nommées, et une planche hors-texte imprimée en lithographie (Boehm est, vers 1817-1818, le premier imprimeur-lithographe installé à Strasbourg) en situe plusieurs. Nous reproduisons la légende, à laquelle renvoient les lettres dans la planche :
« à droite, une partie de la ville de Mulhouse ; à gauche, une partie du village de Dornach. A. Eglise et maisons de Dornach. b. Filature de Dollfus-Mieg. c. Filature et imprimerie de Blech-Fries à Dornach. d. Manufacture de Nicolas Köchlin à Mulhouse. e. Manufacture de Kohler et Mantz. f. Manufacture de Nägeli. g. Filature de Grossheinz et Hartmann. h. Imprimerie de Heilmann frères. »
Cette planche, au premier plan toujours très bucolique (voir la scène de « déjeuner sur l’herbe » à gauche), est à mettre en regard de la lithographie « Vue de Mulhausen, du côté du couchant » de Jean Mieg. Au point de vue surplombant elle préfère néanmoins un point de vue éloigné qui rend la ville par une ligne horizontale de bâtiments (en premier lieu usiniers) dont se détachent, cette fois, une demi-douzaine de cheminées.

J. Pedraglio (18..-18..), dessinateur, Henri Maurer (18..-18..), dessinateur-lithographe, « Cité ouvrière de Mulhouse ». Mulhouse, vers 1855-1860. Lithographie publiée par Engelmann père & fils. Bibliothèque municipale de Mulhouse,
En 1853, Jean Dollfus entreprend avec la Somco (Société mulhousienne des cités ouvrières) la construction de la première Cité ouvrière de Mulhouse, sur le modèle des cités-jardins en Angleterre. C’est le premier et unique exemple en Europe de cité ouvrière en accession à la propriété (au bout de 15 ans, les ouvriers qualifiés qui ont versé régulièrement un loyer deviennent propriétaires de leur bien). Le « carré mulhousien », conçu pour abriter quatre familles disposant chacune d’un logement à double orientation, a fait connaître Mulhouse dans les écoles d’architecture. Comme la planche « Projet du nouveau quartier » éditée en 1826, il s’agit davantage ici d’un projet, dont l’ampleur et l’ambition sont particulièrement soulignées par la vue à vol d’oiseau.

Théodore Müller (1819-1879), « Partie comprenant la chaîne des Vosges de Thann à Sélestadt prise de la campagne de Mr. André Koechlin à Mulhouse ». Strasbourg, 1844. Lithographie imprimée par Emile Simon Fils, planche XIII du Panorama des Vosges et du chemin de fer de Strasbourg à Bâle (Strasbourg, E. Simon et fils, 1844). Bibliothèque municipale de Mulhouse (fac-similé d’un exemplaire coloré à la main)
Après l’inauguration en 1829 du Canal, en 1839 de la ligne de chemin de fer Mulhouse-Thann, puis en 1841 de la ligne Strasbourg-Saint-Louis, construite par Nicolas Koechlin, Mulhouse se trouve particulièrement bien dotée en matière d’infrastructures de transport (marchandises et passagers). Cette situation sert bien entendu son développement industriel, et au-delà son attractivité.
Cette superbe vue panoramique est prise « de la campagne de Mr. André Koechlin », c’est-à-dire du lieu-dit « Hasenrain » sur lequel il fit construire sa propriété, et édifier cette tour néo-gothique qui offre un point de vue imprenable, au premier chef sur ses établissements (Est-ce lui qui est représenté, au petit balcon de la tour, à la longue vue ?)

Adolphe Maugendre (1809-1895), « Mulhouse / Mulhausen ». Wissembourg et Paris, entre 1865 et 1869. Lithographie colorée à la main imprimée et éditée par Fr. Wentzel. Bibliothèque municipale de Mulhouse (Achat 2024)
En 1848, « Mülhausen » devient « Mulhouse », et en 1857 la ville est instituée préfecture du Haut-Rhin. Cette estampe imprimée par la célèbre maison Wentzel de Wissembourg dans les années 1860 reprend la planche « Mulhouse, vue prise du jardin de Mr Mansbendel » publiée dans la remarquable suite des Chemins de fer de l'Est - Album des vues les plus remarquables du parcours, dessinées d'après nature et lithographiées par François-Adolphe Maugendre, imprimées en chromolithographie par Auguste Bry, à Paris, en 1857. (C’est pourquoi on y voit encore l’ancien temple Saint-Etienne avec son bulbe, et nulle trace encore d’église catholique Saint-Etienne).
Le négociant Charles Mansbendel avait acquis un terrain en haut de la rue de Brübach (classée comme telle à partir de 1843), dont l’entrée se situait à l’origine à l’angle de la rue du Frêne. Il y fit aménager un jardin d’agrément et, après 1860, édifier une propriété (sise 44 rue du Jardin zoologique). C’est ce domaine qui offre le premier plan de cette lithographie, qui respire tout particulièrement le second Empire.
Mulhouse et son nouveau quartier

Jacques Rothmüller (1804-1862), « Projet du nouveau quartier de Mulhausen. Vue générale ». Mulhouse et Paris, vers 1826. Lithographie éditée par Godefroy Engelmann. Bibliothèque municipale de Mulhouse
Cette large estampe présente le plan du Nouveau Quartier tel que conçu par les jeunes architectes strasbourgeois Jean-Godefroi Stotz et Félix Fries, qui s’inspirent de la rue de Rivoli à Paris et de Percier et Fontaine. Cet ensemble urbain hors de la ville médiévale obéit à un plan triangulaire d'inspiration maçonnique.
Le Nouveau Quartier est une ode au progrès et la vitrine de la « nouvelle Mulhouse ». Il est construit autour du bâtiment central de la Bourse, qui devait abriter les trois temples de la modernité économique : la Bourse, la Chambre de commerce et la Société industrielle de Mulhouse. L'immeuble fut donné à la Société industrielle par le financier et inspirateur du quartier, Nicolas Koechlin, membre d'une des plus illustres dynasties d'entrepreneurs de Mulhouse, et fondateur de la loge mulhousienne au début du siècle. Le projet immobilier tel que nous le dévoile la lithographie était à l'origine beaucoup plus vaste. Il n'a été que partiellement réalisé ; grosso modo la partie centrale autour de la Bourse, sans l’arc de triomphe représenté.
Au second plan les collines du Rebberg, couvertes de vergers, de vignobles et de bois, sont quasi vierges de toute construction. Le point de vue du dessinateur pourrait être celui du clocher du Temple Saint-Etienne.

« Vue de Mulhausen prise de la plateforme de la Société industrielle ». Strasbourg, vers 1836. Lithographie imprimée à Strasbourg par Simon Fils, servant de planche hors-texte à une brochure de Louis Levrault (1803-1876), Mulhouse et le vieux Mulhausen, tiré à part d’un article paru dans la Revue d’Alsace (t. 1, p. 23-46, 1836). Bibliothèque municipale de Mulhouse.
Le texte de L. Levrault (qui appartient à une branche cadette de la dynastie strasbourgeoise des libraire-imprimeur à l’origine de la maison Berger-Levrault) est un pamphlet sur la Mulhouse industrielle de 1835, ses inégalités et la misère ouvrière, appuyé sur un récit « historique » de Mulhouse très contestable, pointant la bestialité des Mulhousiens avant la réunion à la France…
Les initiales T. M. dans le coin inf. g. pourraient désigner Théodore Müller (1819-1879), qui collabore en 1837 aux belles Vues du Ban de la Roche et des environs, et en 1841 au monumental Panorama des Vosges et du chemin de fer de Strasbourg à Bâle également imprimé par Simon fils. Ce dernier éditera jusque dans les années 1850 d’élégantes estampes consacrées au Nouveau quartier et au Port de Mulhouse, d’après des dessins de J. Pedraglio.

Au 20e siècle, continuités et ruptures
Durant le Reichsland (1871-1918), l’élévation générale du niveau de vie permet l’émergence d’une classe moyenne qui peut s’offrir des loisirs et faire du tourisme. Les représentations de la ville se multiplient alors dans les journaux et dans les guides touristiques : du haut du Rebberg, Mulhouse est présentée comme ville de carte postale, sans fumée, parsemée de parcs, de jardins, de vergers. Le Rebberg lui-même a été profondément transformé : ses chemins creux sont empierrés, il est transformé en parcs et terrasses des villas qui s’y construisent. Il faut aller toujours plus loin pour retrouver les villages, les champs, les bottes de foin ou les gerbes de blé.
Pendant ce temps…les dynamiques d’urbanisation de la fin du 19e siècle se prolongent jusque dans l’entre-deux-guerres.
Les usines se développent et se transforment sur elles-mêmes. Depuis la seconde moitié du 19e siècle, les usines-blocs, avant de disparaître, sont flanquées de « sheds » qui s’étalent dans les réserves foncières des entreprises. La brique s’impose progressivement dans la construction (« red brick factories »).
Le réseau de tramways et une nouvelle ceinture ferroviaire alimentent le nouveau bassin, mis en service depuis 1874, au nord de la ville, à proximité des casernes.
Les points hauts se multiplient avec la construction de nombreux lieux de culte au début du siècle : leurs clochers accueillent des photographes qui donnent à voir le réel sans artifice. Les quartiers ouvriers et industriels apparaissent enfin sur les clichés, avec leurs rails, leurs cheminées, leurs immenses ateliers, leurs petites maisons et leurs rangées d’immeubles identiques.
Marie-Claire Vitoux, Société d’Histoire et de Géographie de Mulhouse

Après 1945 : Reconstruction et urbanisme. La ville « en grand »
La Seconde guerre mondiale ouvre une nouvelle ère. Les bombardements de mai et août 1944 rasent des quartiers entiers. Dans les années 1960-1980, la crise économique entraîne le déclin irrémédiable des entreprises textiles d’abord, métallurgiques ensuite.
La reconstruction permet le remodelage de l’espace entre gare et rue du Sauvage. Le bâtiment annulaire (1955) est le navire-amiral de la modernité architecturale et urbaine de ces années-là.
Cette seconde moitié du siècle est surtout le temps des grands ensembles (les Coteaux, mais pas seulement) et de « l’adaptation » de la ville à l’automobile. C’est aussi l’époque où Mulhouse se cherche un nouveau destin européen, avec le quartier de la porte Jeune où, depuis 1974, se dresse la Tour de l’Europe devenue le symbole de la ville … et nouveau lieu propice aux « vues plongeantes ». Les emprises industrielles en déshérence laissent la place à de nouveaux quartiers résidentiels et commerciaux (Daguerre, Faubourg de Colmar), ainsi qu’à des équipements publics (lycées, La Filature).
Marie-Claire Vitoux, Société d’Histoire et de Géographie de Mulhouse

Mr. Eye [Cyrille Meyer]
« Mulhouse. Alsace »
2024. Affiche. Bibliothèque municipale de Mulhouse; achat 2025
Série d’affiches sur Mulhouse inaugurée en 2023.
L’artiste, Cyrille Meyer (Mr. Eye est son anagramme),
est diplômé des Arts Décoratifs de Strasbourg.
À l’aube du XXIe siècle
Depuis les années 1960, la ville n’a cessé de continuer à s’étaler et de coloniser les espaces agricoles proches. La disparition des espaces interstitiels entre Mulhouse et les anciens villages alentours unifie la tâche urbaine en une agglomération sans discontinuité. Sur le ban communal, la phase d’extension urbaine est achevée ; désormais, c’est par renouvellement de la ville sur elle-même que s’opère son développement.
Résiduelle sur le site DMC et quelques autres lieux, en cours de renouvellement sur le site de l’ex-SACM, l’activité économique dominante en ville est maintenant largement commerciale ou tertiaire, à l’image de la porte Jeune, du campus de l’Illberg ou du parc des Collines., alors que l’industrie est désormais installée à l’écart de la ville (Ile-Napoléon et bords du Rhin notamment).
L’avion permet de prendre l’expression « vues du ciel » au pied de la lettre. Les clichés offrent aux aménageurs une information vraie et une image documentaire sans complaisance de la ville. Les artistes au contraire se saisissent de l’outil de la photographie aérienne pour sublimer la ville.
Marie-Claire Vitoux, Société d’Histoire et de Géographie de Mulhouse