Le fonds de photographies anciennes conservé à la bibliothèque des arts de l'Université de Strasbourg

Le fonds de photographies anciennes conservé à la bibliothèque des arts est constitué de prises de vues qui datent de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, et forme un ensemble d’environ 33 000 clichés. L’inventaire est toujours en cours. Ce fonds couvre une très grande partie de la production artistique occidentale : peinture, sculpture, miniature, architecture, tapisseries, orfèvrerie. Il est réparti dans 372 boîtes en carton et classé par nom d’artiste ou nom de lieux pour l’architecture et la sculpture.

Origine du fonds

De nature hétérogène, ce fonds est en grande partie issu de la photothèque de l’Institut d’Histoire de l’art, constituée de 1872 à la fin de la seconde guerre mondiale par des historiens de l’art allemands. Il a été enrichi au fil des décennies par plusieurs commandes publiques que l’on peut partiellement retracer, même s’il n’existe pas d’archives connues permettant de rendre compte de la chronologie exacte et du mode d’acquisition. Seules les recherches du professeur Albert Châtelet parues dans la revue Forme en 1989 nous donnent quelques informations sur l’histoire de l’Institut, de la photothèque et de la bibliothèque. L’acquisition des premières photographies remonte donc à l’époque de la création de la Kaiser-Wilhelms-Universität zu Strassburg par l’Empire allemand, et l’arrivée d’Anton Springer (1825-1891) en tant que premier directeur de l’Institut. Celui-ci acquiert un grand nombre d’ouvrages pour la bibliothèque et fonde une collection de photographies provenant, pour la plupart, de l’atelier Braun à Dornach près de Mulhouse.

Au fil du temps la photothèque continue de s’accroître. Durant la Seconde Guerre mondiale, l’Université de Strasbourg est évacuée à Clermont-Ferrand et une partie du fonds photographique y est transférée. L’autre partie, demeurée sur place, porte sur chaque planche le tampon à l’encre bleue « Kunstgeschichte Seminar – Der Reichsuniversität Strassburg » orné en son centre d’une croix gammée surmontée d’un aigle.

C’est notamment à cette période que le fonds est complété par des photographies provenant de l’université de Marburg dans la Hesse. Cette photothèque fondée en 1913 par Richard Hamann, fait partie de l’Institut d’histoire de l’art de l’Université Philipps de Marburg. Elle fait office de centre de documentation allemand pour l’histoire de l’art européen et l’architecture et représente l’une des plus grandes photothèques pour l’art européen.

Les photographies d’architecture : intérêt historique du fonds

Du fait de l’importance du fonds, tant par son aspect scientifique que par sa volumétrie, le travail d’inventaire et de numérisation a porté en premier lieu sur le traitement des photographies d’architecture et de sculpture. Ce sont en effet les médias qui sont les plus susceptibles d’être altérés par le temps. L’intérêt de la prise de vue photographique est alors logique et manifeste puisque nous sommes en mesure d’observer les états de conservation passés des villes, des bâtiments et des monuments. Le fonds fait dès lors amplement partie du patrimoine universitaire et permet en outre d’étudier l’histoire de l’histoire de l’art, c’est-à-dire de raconter la façon dont cette discipline a été perçue, étudiée et transmise.

Les photographies traitant d’architecture et de sculpture sont au nombre de 8623, contenues dans 110 des 372 boîtes d’archives de l’ensemble du fonds, les boîtes comportant chacune un nombre variable de photographies. Elles proviennent de différents dons ou achats. Parmi ceux-ci, celui de l’institut d’Histoire de l’art de l’Université de Marburg, dont les clichés dateraient d’entre 1913 et 1945, est prédominant. L’on y trouve également différents dons, des cartes postales ou des photographies provenant d’un fonds « MH » non identifié à l’heure actuelle.

Le postulat de base sur lequel reposait la réflexion et le choix de privilégier les fonds d’architecture et de sculpture s’est rapidement révélé être exact. En effet, nombre d’édifices ont subi des modifications depuis la date de leurs prises de vue. Il serait pertinent ici de prendre l’exemple de l’église Notre-Dame de Saint-Lô. Celle-ci a en effet été lourdement mutilée lors de la Seconde Guerre mondiale, et les photographies conservées sont le témoin de son état de conservation premier.

Le fonds a donc un réel intérêt pour les chercheurs susceptibles de s’intéresser aux édifices ayant fait l’objet des prises de vues photographiques. Il nous permet également de nous rendre compte en image des mesures prises pour la protection des monuments lors des conflits armés. Nous voyons, par exemple, la cathédrale de Chartres dépourvue de ses vitraux, déposés et stockés à l’abri des bombardements. Le fonds de photographies témoigne également de la manière dont les portails sculptés de nombreux édifices ont été protégés grâce à l’empilement de sacs de sable.

Une mise en regard avec les fonds de photographies de l’Institut d’Histoire de l’art de l’Université de Marburg permet de nous rendre compte que le fonds de Strasbourg n’est pas strictement constitué des mêmes prises de vues. Ces deux fonds sont donc complémentaires et tout aussi intéressants l’un que l’autre, mais ils ne sont pas identiques.

Intérêt pour la recherche scientifique

Enfin, outre l’argument patrimonial et de témoignage historique, nous savons ce fonds de photographies dores et déjà utile à la recherche. Plusieurs projets scientifiques en cours à l’Université de Strasbourg se trouvent enrichis par ces photographies. D’une grande qualité, elles constituent parfois les dernières images existantes de bâtiments détruits, modifiés ou pour lesquelles certaines prises de vues seraient devenues impossibles du fait de leur insertion progressive dans le tissu urbain.

Bibliographie
  • Borlée Denise et Doucet Hervé, « Identité et idéologie : La Collection photographique de l'institut d'histoire de l'art de l'université de Strasbourg », in : Marion Lagrange (dir.), Université & histoire de l'art : Objets de mémoire (1870-1970), Rennes : Presses Universitaires de Rennes (Art et société), 2017, p. 167-177.
  • Borlée Denise, Doucet Hervé (dir.), La Plaque photographique : Un Outil pour la fabrication et la diffusion des savoirs (XIXe-XXe siècle), Strasbourg : Presses universitaires de Strasbourg (Culture visuelle), 2019.
  • Boyer Laure, La photographie de reproduction d’œuvres d'art au XIXe siècle en France, 1839-1919, Thèse de doctorat soutenue à l’université Marc Bloch  de Strasbourg sous la direction de Roland Recht, 2004.
  • Châtelet Albert, « Le Palais Universitaire et l'Institut d'Histoire de l'Art », Formes (Bulletin de l'Institut d'Histoire de l'art de Strasbourg) 7 (1989).
  • HENRY Eric, « Inventaire et valorisation d’un fonds de photographies anciennes à la bibliothèque des Arts (Université de Strasbourg) », Blog du Réseau des bibliothèques d’art de Strasbourg, 06/05/2022 (lire en ligne : https://rbas.hypotheses.org/1900, consulté le 06/06/2024).

Laurent Vila

Service des bibliothèques de l'Université de Strasbourg