Salle 1A : les Vues de Mulhouse du 15e au 18e siècle

Dans cette première salle, parcourons l'histoire des vues de Mulhouse du 15e au 18e siècle, lorsque la ville était encore contenue dans ses remparts. Ces vues sont révélatrices de la construction de la ville sur son territoire ainsi que dans l'imaginaire collectif.

Mulhouse médiéval : entre imaginaire et restitution

Les rares vues médiévales de Mulhouse sont le fait de chroniqueurs de la fin du XVe siècle et du début du siècle suivant. Les plus fameuses sont incluses dans des chroniques helvétiques retraçant la construction politique de la Confédération (Diebold Schilling l’Ancien et le Jeune). Or, les illustrateurs de ces textes représentaient la ville sans s’y être jamais rendu. Mulhouse était alors parée des caractéristiques communes à toutes les villes de l’Occident médiéval : murs d’enceinte, place centrale, lieux de culte. Leur priorité était de restituer la puissance de l’alliée mulhousienne sous les aspects politiques, civiques, militaires et économiques. Seul le dessin des armoiries permettait d’identifier Mulhouse. Ce parti-pris artistique n’est de loin pas isolé. Les représentations médiévales sont davantage métaphoriques que figuratives. 

 

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place de Mulhouse
Theodor von Liebenau (1840-1914), [Miniature représentant Mulhouse, ornant la Luzerner Schilling (dite Chronique de Lucerne), 1513].
La place centrale est le sujet de l’une des deux vues. On peut y admirer l’activité de la Cité aux temps de la Guerre des Six Deniers (1466-1468). On y voit Hermann Klee, l’un des protagonistes de cet épisode de l’histoire mulhousienne, congédié par les autorités municipales. On peut surtout y lire l’image de la prospérité de la ville. Seules les armes de Mulhouse (la roue) permettent clairement d’identifier les lieux. Autour de la place se dressent de belles demeures, un hôtel de ville (sa première édification date de 1431) et une certaine animation règne dans ce qui constitue une allégorie de la Place de la Réunion actuelle. On y commerce, on y danse au son des troubadours autour de la fontaine, autre signe de richesse. Les bâtiments bordant la place n'ont rien de commun avec ceux qui bordaient la place à la fin du XVe siècle. Ils reprennent néanmoins les codes de l’architecture de la fin du Moyen Âge en Europe du Nord. 
Cette miniature en couleurs représentant Mulhouse présente dans les pages de la Luzerner Schilling a été copiée par l’archiviste et historien lucernois Theodor von Liebenau (1840-1914), d’après la chronique que Diebold Schilling le Jeune (1460-1515) a achevée en 1513 et est conservée au Musée historique de Mulhouse. Malgré quelques différences avec l’original conservé dans les collections de la Zentral und Hochschulbibliothek Luzern, les relevés de l’érudit offrent au regard des saynètes de la vie médiévale. 

Le souvenir de la Cité du Bollwerk au temps du Moyen Âge a engendré une production artistique tardive et singulière. Après la Seconde Guerre Mondiale, l’architecte et artiste mulhousien Alfred Fleck (1887-1974) explore le passé monumental mulhousien en publiant des essais de restitution de l’église médiévale Saint-Etienne peu avant sa destruction mais surtout une reconstitution de Mulhouse vers 1600, en empruntant le tracé des remparts. Certes, le tournant des XVIe et XVIIe siècles s’éloignait du Moyen Âge mais la physionomie de la ville, enserrée dans ses murs, n’avait que peu évolué. Comme les tours du Diable, Nessel et du Bollwerk avaient été largement remaniées à la fin du XIXe siècle, le travail de Fleck, même s’il est subjectif, permet d’en donner une image aussi fidèle que possible à la fin du Moyen-Âge. De son travail de recherche n’a été publiée qu’une partie des planches de l’artiste dont la collection a été déposée à la Bibliothèque municipale.

La ville médiévale a suscité la curiosité et l’intérêt d’artistes et architectes locaux qui ont pu relever et imaginer de possibles reconversions pour des bâtis médiévaux. L’exemple le plus pertinent est le travail mené par Bernard Michau autour du quartier ancien encore subsistant entre la Porte Haute et la Tour Nessel. La vétusté et la dangerosité de cet ensemble qui s’étirait le long des anciennes murailles imposa leur destruction à la fin des années 1970. Les éléments d’une maison adossée aux murs d’enceinte servent de base à la « Maison forte » de l’Ecomusée d’Alsace et le linéaire des fortifications du Jardin des senteurs permet d’approcher au plus près de la réalité du Mulhouse médiéval. Les planches de ces travaux de restitution, menés dans les années 1970, sont conservées aux Archives de Mulhouse.
Le Mulhouse médiéval appartient donc graphiquement à un Moyen Âge imaginé, métaphorique et restitué qui laisse une large part à l’interprétation.


David Bourgeois, 
Société d’Histoire et de Géographie de Mulhouse


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mulhouse en couleur
16e et 17e siècles : Mulhouse en ses remparts

XVIe siècle : de l’abstraction au réalisme

L’avènement de l’imprimerie et le perfectionnement de ses techniques ont permis de diffuser à grande échelle connaissances et images. Le XVIe siècle voit se développer de nombreuses initiatives éditoriales d’historiens, de géographes, de cosmographes dans lesquelles Mulhouse est illustrée en plusieurs occasions. Johannes Stumpf, théologien et historien suisse (1500-1578), l’intègre dans sa chronique et sa topographie des cantons suisses, publiée en 1548 à Zurich. Cette vue fixe l’un des canons de la représentation de Mulhouse à partir du XVIe siècle. On y admire la ville depuis le Rebberg avec, dans le fond, le massif des Vosges des environs de Thann à ceux de Soultz, au relief délibérément exagéré. Les fossés (remplis d’eau comme le montre une version colorisée et dont l’espace entre chacun d’eux est exagéré), les murs et de hautes tours et portes proclament la puissance militaire tandis que s’élancent vers le ciel l’église paroissiale, les églises des anciens couvents – celles des franciscains et des augustins sont les plus facilement repérables -, alors que Mulhouse était passée à la Réforme en 1523. Ce schéma pictural est repris entre 1550 et 1587 puis sous la plume d’historiens mulhousiens qui, en 1890, identifient les principaux lieux en se fondant sur l’œuvre de Stumpf. 

Le point de vue est repris par le géographe allemand Georg Braun (1541-1622) et le cartographe flamand Frans Hogenberg (1535-1590) dans le Civitatis orbis terrarum (Cités du monde) édité à Cologne entre 1572 et 1618. Dans ce recueil, Mulhouse depuis le sud, semble une nouvelle fois adossée aux Vosges. Les principales villes du piedmont (Thann, Cernay, Uffholtz, Wattwiller, Soultz) rythment l’arrière-plan. Comme sur l’illustration de Stumpf, l’importance des forêts alentours est manifeste, davantage dans la plaine (Forêt de la Hardt) que sur les monts vosgiens objets d’une intense exploitation forestière. Autour de la ville au parcellaire resserré, les fossés sont à nouveau représentés très espacés les uns par rapport aux autres, accentuant l’impression de puissance défensive et d’étendue du territoire urbain. Initialement entourées d’un seul canal, les murailles sont à partir du XVe siècle bordées de quatre canaux au sud, trois au nord. Ici sont visibles, de haut en bas : le Traenkbach, le Mittelbach, le Karpfenbach et le Sinnenbach. Les auteurs se sont fondés sur la vue de Stumpf sans s’être confrontés à la réalité du terrain. Néanmoins, cette vue constitue une source précieuse dont s’inspira un artiste anonyme du 19e siècle qui, faussement, date le thème de son œuvre aux alentours de 1550. 
Le 16e siècle ouvre une nouvelle ère dans la restitution picturale de la ville. L’abstraction fait peu à peu place à davantage de réalisme. La représentation de la ville, dans les pages des ouvrages savants, gagne en réalisme tout en mettant en avant la puissance civique et militaire de la cité à travers son système défensif.

David Bourgeois,
pour la Société d’Histoire et de Géographie de Mulhouse

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« Mulhusium »
« Mulhusium ». Gravure sur cuivre publiée dans le Civitatis orbis terrarum (Cologne : 1572-1617) de Georg Braun et Frans Hogenberg. Conservée aux Archives municipales de Mulhouse. Vue générale surmontée de l'aigle impérial tenant deux écussons aux armes de Mulhouse et brochant sur une banderolle avec légende de part et d'autre de l'aigle: « MVLHU = SIVM ».
Cette vue fut publiée dans le Civitates Orbis Terrarum ou encore Théâtre des cités du Monde, que l'on peut considérer comme le premier atlas consacré exclusivement aux plans et aux vues des principales villes du monde. Publié pour la première fois en latin de 1572 à 1617 à Cologne, en six tomes, il regroupe une incroyable collection de gravures sur cuivre, exécutées par Abraham Hogenberg d'après les dessins de Höfnagel. Ce grand atlas des villes contenait 546 perspectives, vues à vol d'oiseau et vues cartographiques de villes du monde entier. Les Civitates étaient destinés à accompagner le célèbre Theatrum Orbis Terrarum (Théâtre du Globe terrestre) d'Abraham Ortelius, édité pour la première fois en 1570 à Anvers, comme l'indiquent la similitude des titres et les références contemporaines communes à ces deux ouvrages complémentaires. La vue de Braun et Hogenberg est à elle-seule un témoin de l’évolution des techniques d’impression des œuvres graphiques au tournant des XVIe et XVIIe siècles. La gravure sur cuivre s’impose, supplantant la gravure sur bois. Les avantages sont nombreux tant pour le matériau d’impression – les plaques de cuivre sont davantage résistantes que celles en bois – que pour la qualité des gravures. Elle reprend la structure de celles de Stumpf et, surtout, de la « Contrafaktur der L. statt Mülhusen » gravées sur bois, mais les avancées techniques sont notoires. Les traits sont plus fins, les motifs plus détaillés, et le travail sur les parties ombrées davantage abouti. Il apparait clairement que l’œuvre de Cologne s’est inspirée de celles de Zürich et de Mulhouse/Francfort. Braun et Hogenberg en reproduisent à l’identique certains détails, par exemple l’arbre s’élevant derrière la Porte Haute sur la « Contrafaktur ». Les Colonais ne se sont en effet pas rendus à Mulhouse avant de publier leur travail ! Ils innovent cependant en rehaussant le phylacyère avec les blasons, dégageant la vue sur les Vosges, et en ajoutant un premier plan (pentes du Rebberg) qui donne l’illusion d’une vue d’après nature et augmente la perspective.
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Gravures du XVIIe siècle

Les vues de Mulhouse au 17e siècle se situent dans la continuité de celles du 16e siècle : elles n’innovent pas dans la facture des dessins qui reprennent l’essentiel du descriptif des vues du siècle précédent ; elles continuent à être prises depuis le Rebberg en direction des Vosges. Du moins l’usage systématique de la gravure sur cuivre leur donne-t-il une plus grande précision de détail, une plus grande lisibilité topographique.
La petite vue de 1625, portant la devise « Ex bello quies » inscrit Mulhouse dans un vaste projet européen philosophico-politique quelque peu fumeux que traduit la présence au-dessus de la roue (pas celle de Mulhouse, c’est une roue de charrette, non de moulin !) entrelacée d’une branche d’olivier, censée recommander la prière à Dieu d’accorder aux peuples « la paix, le repos et l’union » : n’oublions pas que nous sommes au cœur de la féroce guerre de Trente ans qui a épargné la ville. Du moins la gravure se révèle-t-elle particulièrement détaillée. On y lit clairement un système défensif dépassé, hérité du Moyen-Âge ; désormais inadapté à l’usage de l’artillerie, il permet du moins d’éviter les maraudeurs de tous ordres. Les historiens ont aussi relevé le clocher fantaisiste de l’église des Franciscains, l’actuelle église Sainte-Marie.

Le plan Merian de 1642 est bien connu. Il s’inscrit dans le projet monumental des seize volumes de la Topographia Germaniæ du Bâlois Matheus Merian. Fondé sur un plan manuscrit fourni au graveur par la ville en 1641, il est proche du plan lui aussi manuscrit dit « de Berne » conservé actuellement au Musée historique de Mulhouse. La représentation de la ville y est très précise comme le prouvent les annotations chiffrées indiquant les principaux bâtiments. On y lit aussi les 36 rues et les 22 fontaines et puits. Il faut cependant remarquer que les maisons répétitives de certaines rues et les arbres des zones encore non construites au Sud-Ouest de la ville ont été réalisés en série. Ce plan nous est cependant devenu difficile à lire dans la mesure où le Nord n’est pas en haut, comme l’indique la boussole en bas à gauche (« Sep. » pour Septentrion y désigne le Nord). Ce plan Merian a pris très vite une dimension hautement symbolique pour les Mulhousiens : dès 1666, trois bourgmestres de la ville commandent pour la salle du Grand conseil de l’hôtel de ville, haut lieu de la vie politique mulhousienne, un vitrail le reproduisant à l’identique et il continue à être régulièrement reproduit.
Ce plan est accompagné dans sa version de 1644 par une vue de la ville qui ne diffère que fort peu des vues précédentes, sinon par le dessin plus réaliste des Vosges. L’église Saint-Étienne y est aussi mieux dessinée : on y lit clairement le chœur, plus haut que la nef. La présence d’une croix sur le clocher de ce lieu de culte réformé intrigue les historiens. La régularité, digne d’un parc, des arbres bordant les fossés est sans doute un caprice du dessinateur…
La vue de Christophe Riegel de 1690 n’est qu’une modeste copie de la vue de 1625. Elle témoigne, si besoin est, des pratiques de l’édition de l’époque, copiant volontiers les gravures existantes pour les besoins de nouveaux ouvrages.

Bernard Jacqué,
pour la Société d’Histoire et de Géographie de Mulhouse

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 « Ex bello quies. Müllhausen im Elsas » (après 1623)
« Ex bello quies. Müllhausen im Elsas ». Francfort-sur-le-Main, après 1623. Gravure sur cuivre publiée dans le Thesaurus philopoliticus, ou Politisches Schatzkästlein en allemand, de Daniel Meisner et Eberhard Kieser, édité à Francfort-sur-le-Main à partir de 1623. Bibliothèque municipale de Mulhouse, Collection Armand Weiss, dépôt de la Société industrielle de Mulhouse
Le Thesaurus philopoliticus connut un grand succès éditorial dans la première moitié du XVIIe siècle. Le graveur bâlois Matthäus Merian (dit l’Ancien, 1593-1650) y collabora périodiquement, réalisant des dessins et des gravures. Cette participation l’encouragera à publier son ambitieuse Topographia Germaniae. Ce n’est toutefois sans doute pas lui qui a réalisé cette vue de Mulhouse, proche dans sa composition de la gravure sur bois illustrant la Chronick de Johannes Stumpf, plus que de la gravure sur cuivre illustrant le Civitatis orbis terrarum de Braun et Hogenberg. Là encore, la gravure sur cuivre offre une précision accrue et des contrastes intéressants. Les différents plans (dont l’apparition céleste allégorique) semblent se découper les uns sur les autres, la gravure sur bois offrant plutôt, elle, comme un « bloc ».
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Mühlhausen im obern Elsas - 1643
Matthäus Merian (1593-1650). « Mühlhausen im obern Elsas ». Francfort-sur-le-Main, 1643-1644. Gravure sur cuivre publiée dans la Topographia Alsatiæ de Mathäus Merian et Martin Zeiller, publiée à Francfort-sur-le-Main en 1643-1644 (rééditée en 1663). Bibliothèque municipale de Mulhouse, Collection Armand Weiss, dépôt de la Société industrielle de Mulhouse.
Moins connue que la planche communément appelée « plan Merian » de la Topographia Helvetiæe, Rhaetiæ et Vallesiæ, qu’elle suit de deux années à peine, cette vue en perspective de Mulhouse figure dans un autre tome de la Topographia Germaniae, intitulé Topographia Alsatiae (littéralement Topographie de l’Alsace, dont le sous-titre en allemand est: « Das ist Vollkömliche Beschreibung und eygentliche Abbildung der vornehmbsten Städt und Oerther im Obern und Untern Elsaß auch den benachbarten Sundgöw, Brißgöw, Graffschafft Mümpelgart, und andern Gegenden », soit : « Ceci est la description complète et la représentation exacte des villes et lieux les plus respectables de Haute et de Basse-Alsace, et des régions voisines, le Sundgau, le Brisgau, le comté de Montbéliard, et d’autres régions. » Mulhouse a donc le privilège de figurer dans deux tomes différents de la Topographia Germaniae de M. Merian ! 
Proche dans sa composition des gravures de la seconde moitié du 16e et de la première moitié du 17e siècles, dont elle adopte strictement le même point de vue, elle s’en distingue sans doute par sa remarquable exécution, ses modelés et sa lumière.  

 

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« Mülhausen » 1690
Christoph Riegel (1648?-1714), « Mülhausen ». Nürenberg, 1690.
Gravure sur cuivre publiée dans Ausführliche und grundrichtige Beschreibung der herzogthümer Lottringen und Savojen dess Obern und Untern Elsasses, der Franche Comte oder Graffschafft Burgund, und des ganzen Schweizerlandes… (Nürnberg : In Verlegung Christoff Riegels, 1690). Bibliothèque municipale de Mulhouse, Collection Armand Weiss, dépôt de la Société industrielle de Mulhouse
Autre exemple de vue de Mulhouse illustrant un ouvrage topographique du 17e siècle, dû au cartographe, graveur et imprimeur Christoph Riegel (1648?-1714), dont la maison d’édition était devenue l’une des plus importantes de son époque à Nuremberg. L’ouvrage, qui contient comme la Topographia Germaniæ de Matthäus Merian des textes écrits par le géographe et voyageur Martin Zeiller, est toutefois bien moins ambitieux que cette dernière, y compris par son format.

 

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Essais de reconstitution du Vieux Mulhouse vers 1600 de Fleck
Alfred Fleck (1887-1974), [Essais de reconstitution du Vieux Mulhouse vers 1600]. Mulhouse, 1954-1955. Dessins sur papier. Bibliothèque municipale de Mulhouse, fonds Fleck
Les travaux d’Alfred Fleck se fondent sur les représentations du XVIe siècle mais aussi et surtout sur les plans dit de Berne et Merian qui donnent une image aussi précise que possible du parcellaire. Les planches ici exposées permettent d’admirer la ville haute dans sa totalité et la ville basse jusqu’à la rue du Sauvage. La vue y est prise à vol d’oiseau vers le sud. Des imprécisions jalonnent le dessin, notamment une végétalisation sans doute excessive de la ville haute et la dépréciation du rôle des portes Haute et du Miroir qui, ici, ne sont que de simples tours. Néanmoins, la physionomie générale de Mulhouse dans ses murs médiévaux a été restituée.

 


 

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vue 18e s
18e siècle : Une petite cité entre collines et vignobles

Les vues de Mulhouse du XVIIIe siècle renouvellent moins la vision topographique de la ville que l’esprit dans lequel est désormais représenté le paysage urbain. Et alors même que la ville se transforme fondamentalement avec l’essor des manufactures d’indiennes à partir de 1746, rien n’en apparaît dans les représentations de l’époque.
C’est en particulier le cas de la vue de David Herrliberger de 1754-56 : elle s’inscrit dans une Topographie nouvelle et complète de la Confédération, un recueil de 328 planches destiné aux touristes qui visitent la Suisse et en collectionnent les vues comme nous le faisons avec les cartes postales. Résultat, si la ville est toujours vue depuis les premières pentes du Rebberg, celle-ci ne tient plus qu’une place réduite sur la gravure. Quant au Rebberg, il est soigneusement décrit sur le plan végétal : on y voit même pour la première fois dans une gravure quelques pieds de vigne. Il donne lieu aussi à des scènes bucoliques avec un berger gardant ses vaches (il n'y a pas de pâturages au Rebberg…), un élégant couple devisant, un dessinateur, un chasseur, un flâneur admirant le paysage… En clair, nous sommes plutôt dans la Nouvelle Héloïse qu’à Mulhouse ! Cette vision idyllique est d’autant plus étonnante qu’à cette date, des manufactures d’indiennes ont, depuis une dizaine d’années, commencé à transformer la ville, ce qui n’apparaît ici d’aucune manière. Remarquons au passage la principale nouveauté apparaissant dans l’architecture de la ville : le clocher désormais baroque de Saint-Étienne depuis 1707, avec sa galerie pour surveiller les départs d’incendie et son bulbe.
Dans les années qui suivent, les certificats de compagnonnage reprennent cette vue sans ajout majeur, mais avec une plus grande précision dans la représentation des bâtiments. Si les détails bucoliques restent bien présents, ils sont désormais moins nombreux et plus sobres. 

 

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Prospect Der Stadt Muhlhausen / Vue De La Ville De Muhlhouse »  Bâle, vers 1756
David Herrliberger (1697-1777), graveur; Theodor Andreas Genderich (17..-1…), dessinateur ?; « Prospect Der Stadt Muhlhausen / Vue De La Ville De Muhlhouse ». Bâle, vers 1756. Gravure sur cuivre publiée dans David Herrliberger, Neue und Vollstaendige Topographie der Eygnossschaft (littéralement Topographie nouvelle et complète de la Confédération), Ière partie, à Bâle chez Daniel Eckenstein, parue en fascicules à partir de 1754. Fonds Armand Weiss (AW 39)
Vue cavalière depuis le Rebberg imprimée par David Herrliberger, artiste zürichois, graveur et éditeur de plusieurs centaines de vues de villes suisses pour son ouvrage Neue und Vollstaendige Topographie der Eygnossschaft, dans lequel Mulhouse figure à titre de ville helvétique. Entourée de ses remparts, elle se découvre au voyageur au pied de collines bucoliques, tout à la fois lieu de pâture, de culture (vignes), de chasse et de promenade (couple d’élégants promeneurs). C’est du moins la vision idyllique de cette gravure, qui contient une intéressante mise en abîme avec la représentation d’un dessinateur face à la vue (certainement d’après nature) que nous restitue la gravure. Un siècle après la gravure de la Topographia Alsatiæ de Merian, nous avons ici la nouvelle « carte postale » de Mulhouse. 
Une note manuscrite au dos de l’exemplaire des Archives municipales indique qu’en 1760 la Ville de Mulhouse aurait rétribué le peintre Theodor Andreas Genderich pour sa vue (« Prospect ») de Mulhouse figurant dans l’ouvrage de Herrliberger. Genderich était originaire de Bergen, île de Rügen, et s’établit à Mulhouse en 1747. Il restaure en 1779 les peintures de l’Hôtel de Ville. On ignore ce qu’il advient de lui après son départ de Mulhouse fin 1782.
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Prospect Der Stadt Mullhausen Von der Abend Seite / Vue De La Ville De Mulhouse Du Côté du Couchant 1770
David Herrliberger (1697-1777), « Prospect Der Stadt Mullhausen Von der Abend Seite / Vue De La Ville De Mulhouse Du Côté du Couchant ». Zürich, 1770. Gravure sur cuivre publiée dans David Herrliberger, Nouvelle Topographie Helvétique (tome III) / Neue Topographie der Eidgnosschaft (Dritter Haubttheil), Zürich, 1770. Fonds Armand Weiss (AW11)
Nouvelle vue du même artiste suisse, prise cette fois en surplomb des prés de l’Ill, avec légendes en allemand et en français renvoyant aux édifices numérotés dans la gravure. Ces légendes sont du reste fautives : venant du sud-est, ce sont la porte de Bâle, les tours du bastion et la Porte Jeune qui se profilent, non les Portes Haute, Nessel et du Diable. De même, la chapelle de l’ordre des chevaliers teutoniques est confondue avec celle des Franciscains. L’auteur s’étant peut-être inspiré du plan Merian, en ne tenant pas compte de l’orientation de ce dernier (en direction du levant, et non du couchant). Comme dans la gravure précédente de 1756, le premier plan est bucolique, avec son promeneur au repos en bordure du chemin… L’ouvrage comprend également une vue d’Illzach.
(A noter que « Du Côté du Couchant » signifie ici « en direction du couchant », donc de l’ouest, alors que les estampes des années 1810-1820 indiqueront pour la même orientation « du levant », au sens de « depuis le levant », « en direction du couchant »).
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Certificat
« Der Stadt Muhlhausen / Vue De La Ville De Muhlhouse ». Bâle ?, après 1780. Gravure sur cuivre imprimée avec un certificat de compagnonnage (ici vierge). Bibliothèque municipale de Mulhouse
Gravure non signée, inspirée de celle publiée par David Herrliberger en 1756 dans sa Neue und Vollstaendige Topographie der Eidgnosschaft, dont elle reprend le titre. Il existe des tirages séparés de cette vue de Mulhouse, figurant dans un encadrement rectangulaire de style classique, avec cartouche ovale orné aux armes de Mulhouse. Ici l’encadrement du certificat prolonge celui de la vue, qui s’inscrit tout à fait dans la continuité des deux gravures publiées par Herrliberger et de leur dimension bucolique. Mulhouse y apparaît ceci dit bien petite, ramassée en ses remparts et comme figée dans le temps, alors même que depuis le milieu du siècle des manufactures ont commencé à transformer la ville. Ce n’est vraisemblablement pas une vue « d’après nature ».
Une note manuscrite au dos d’un exemplaire des Archives municipales indique qu’en 1788 la Ville de Mulhouse acquiert auprès de Christian von Mechel (1737-1817), graveur et éditeur originaire de Bâle, où il est alors installé, la plaque de cuivre, un tirage spécial de 100 épreuves de la gravure, ainsi qu’un jeu de feuilles de papier (grandes et petites), vraisemblablement pour la réalisation des certificats de compagnonnage, en usage jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. Au moins un exemplaire connu du certificat de compagnonnage, datant de 1780, reprend quant à lui la gravure de 1756 de Herrliberger, avec un encadrement de style baroque. Il pourrait donc s’agir ici de la nouvelle maquette du certificat, d’où la commande passée par la Ville à l’atelier de Mechel à Bâle.

 

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